Paru pour la première fois en 1995, Toy Story fut un énorme succès. Produit par la toute jeune Pixar, ce film a contribué à changer les codes du cinéma d’animation. Toy story, réalisé par John Lasseter, fut entièrement créé en images de synthèse. Après son succès, de nombreux autres le jour : Monstre & Cie, Le monde de Nemo, Les Indestructibles, Wall-E, Là-haut …
Si aujourd’hui beaucoup de studios d’animation sont apparus et utilisent plus ou moins les mêmes techniques, l’innovation technologique liée à l’animation 3D de Toy Story a été reprise dans des domaines plus éloignés, comme les jeux vidéo, l’architecture ou l’engineering.
Qu’on soit jeune ou moins jeune, ce film nous a marqué ! Et vous ?
C’est le cas d’Alex, notre animateur 3D.
« J’ai toujours beaucoup aimé les dessins animés, mais le premier où je me suis vraiment demandé » Mais comment ont-ils fait ? », c’est avec Toy Story. J’ai tout de suite été attiré par la manière de réaliser ce type de dessin animé. »
Alex a toujours été passionné par l’animation : « Quand j’étais en secondaire, avec un ami, on avait vu les nouvelles cinématiques de Warcraft 3, ça nous a donné l’envie de pouvoir faire la même chose… »
Après des études en Haute Ecole en spécialisation 3D (Albert Jacquard), Alex commence un stage en tant que motion designer. Ses expériences professionnelles suivantes l’amèneront de plus en plus vers la 3D. « Beaucoup de ces jobs demandaient la maîtrise de Cinema 4D, que j’ai appris à utiliser lors de mes études et qui est très axé sur le motion 3D. »
Qu’est-ce que la 3D apporte en plus par rapport à la vidéo « classique » ?
« La 3D permet de créer des choses qui n’existent pas, de montrer des choses qui sont intangibles. »
Avec la 3D tout est possible, il n’y a pas de barrières !
« Souvent on passe dans monde de la 3D à partir du moment où, en « réel », c’est impossible à réaliser, ou beaucoup trop lourd. Des mouvements de caméra, comme passer à travers un bâtiment et ressortir par un autre, ça demande des gros moyens, beaucoup de précision. La 3D permet aussi de pouvoir revenir en arrière sur ce qu’on a fait – attention, jusqu’à un certain point ! – sans nécessiter de retourner des scènes avec des acteurs, preneurs de son, cameramans… »
La 3D permet également de jouer sur le temps. Il est possible de faire des ralentis ou des accélérés, et de passer de l’un à l’autre assez facilement.
Quand un client demande des images en 3D, comment ton travail s’organise ?
« La première chose que je fais, c’est de bien comprendre sa demande, d’analyser ce que ça implique… Est-ce qu’il y a des personnages ou juste du décor ? Combien de personnages faut-il animer ? A quel point le décor doit-il être précisé ? Est-ce un univers réaliste ou non ? A partir de tout ça, on pourra mieux aiguiller le client vers différents styles. »
Le moodboard
Dans un premier temps, Alex proposera des références, sous forme d’un moodboard et de sketchs.
« Si c’est réaliste, on va prendre des références des vraies images ou en 3D réaliste, pour que le client puisse avoir une idée d’où on va, qu’on puisse être sur la même longueur d’onde sur ce qu’on attend visuellement. »
Le storyboard
Après le moodboard, qui permet donc au client de voir vers quel style d’images il se dirige (cartoon, réaliste, high tech, futuriste,), Alex et son équipe passent au storyboard ; un découpage des scènes plan par plan. Selon le projet, il peut être plus ou moins détaillé. « On met le plus souvent le timing, l’intention, les textes affichés à l’écran et les voix off, les mouvements de caméra, les valeurs de plan, la composition de l’image, l’interaction éventuelle avec des objets… «
Quand tout est validé, j’imagine que tu passes à la réalisation proprement dite ? Quelles en sont les étapes ?
Le modeling
« Dans le cas où il s’agit de 3D pure, où il n’y a pas de footages (des prises du vues réelles) à intégrer, on va passer par plusieurs étapes. Il y a le modeling, on va modeler les objets, les personnages dont on a besoin. »
En général, Alex part d’une forme-type basique ou de polygones pour sculpter le personnage dont il a besoin, de même pour les objets et les éléments de décor.
Le texturing et le lighting
« C’est lors du texturing qu’on donnera une couleur et une texture au modèle (exemple : une texture métallique) que l’on vient de créer, on aura alors une meilleure idée de l’aspect qu’il va avoir.
Et ensuite on fera ce qu’on appelle du lighting. On choisi l’ambiance lumineuse que l’on veut créer, comment un objet sera éclairé. Selon ce qu’on veut évoquer, la lumière et l’ambiance ne seront pas du tout les mêmes, une scène de joie ou une scène qui doit faire peur ne seront pas mise en lumière de la même façon par exemple. »
S’il y a des personnages à animer, il y aura d’autres étapes, typique à la 3D.
L’animatique et le look&feel
« L’animatique est une étape qui vient en quelque sorte mettre en musique tout ce qu’on vient de préparer. On commence à faire bouger la caméra et à avoir une base d’animation. Souvent on associe cela à un look and feel, pour voir d’un côté comment va bouger notre personnage et de l’autre, sur image fixe, ce à quoi il ressemblera. »
Cette étape permet donc au client d’avoir une bonne compréhension de ce à quoi son personnage ressemblera dans le produit fini.
Le rigging et le skinning
« Pour un personnage à animer, une fois qu’on a notre modèle on va passer par le rigging, ça signifie créer le squelette de ce personnage pour pouvoir l’animer. Après, on passe au skinning, comme son nom l’indique on va mettre la peau de notre perso, notre modèle sur ce squelette. Notre personnage prend vie ! »
Plus l’animation d’un personnage sera complexe, plus il y aura d’étapes. Dans les gros studios d’animation, presque chaque étape fait appel à un professionnel spécialisé. On peut aller très loin dans l’analyse et le calcul des déplacements de personnages et leurs interactions avec leur environnement. En plus, si les personnages parlent, du lipsync sera ajouté pour que la voix off soit bien en place, et que le tout soit cohérent, réaliste.
« En fait, plus c’est long ou compliqué, plus les budgets vont être élevés, et plus cela va demander des compétences. Pour trouver quelqu’un qui est pro dans toutes ces étapes c’est compliqué, ou alors il faut vraiment être ultra investi, bosser 7jours sur 7, 24h sur 24 et faire une croix sur toute vie sociale ! »
La dynamique
Il y a aussi l’animation de tout ce qui est « fluide ». La façon dont un objet réagit lors d’un mouvement, d’un rebond… On appelle ça la dynamique.
« Imaginons par exemple un personnage qui sort avec son parapluie et l’ouvre parce qu’il pleut. Il faut préparer les fluides, comment l’eau coule le long du parapluie, l’eau des flaques sur les trottoirs… mais aussi le mouvement de la toile du parapluie lorsqu’il s’ouvre. Si en plus, une voiture passe, l’eau éclaboussera peut-être notre personnage, puis de la fumée sortira du pot d’échappement… tout cela doit être réaliste ou en tout cas cohérent avec les lois physiques du monde qu’on a imaginé. »
Comparé à la postproduction du film en images réelles, la 3D à un chemin bien à elle ?
« En post prod on va commencer par faire un rendering, un rendu. On va sortir des images à partir de notre scène. On tiendra compte de tous les effets qu’on a créés en amont, cela va générer des images réalistes basées sur nos réglages. Ces images, on les appelle des « pass ». Mais c’est loin d’être la fin ! »
Le rendering et le compositing
La création d’un bon rendu final d’une scène comporte de nombreux aspects, notamment l’attention au placement de la caméra, les choix d’éclairages susceptibles d’affecter l’humeur et les ombres, les reflets et la transparence, ainsi que la manipulation des fluides ou des gaz.
Les « pass » sont ensuite intégrés au programme de composition pour éditer, retoucher et ajouter des effets spéciaux. C’est le compositing.
« Le rendering, c’est un peu comme préparer et finaliser toutes les pièces d’un puzzle qu’on va ensuite finalement assembler pendant le compositing. Dans le cas où des effets spéciaux seraient ajoutés à de vraies prises de vues, c’est à cette étape que l’on combinera tout cela. »
Au niveau du son, de la musique comment fait-on ?
« En soi le sound design devrait venir en même temps que l’animatique. Quand on bosse dans un gros studio, les animateurs reçoivent une bande sonore. Pour l’animation, les voix des personnages sont calées et bloquées avant ! Car si la voix off change il faut tout recommencer et c’est impossible ! En général, pour un dessin animé, les acteurs sont appelés en début de production pour faire toutes les voix selon un storyboard rapidement animé, pour qu’ils posent leur voix dessus. »
Tout dépend donc de l’importance de la demande…
Car on peut aller très loin dans la 3D, c’est comme réinventer un monde à part entière et les êtres qui y vivent… Un travail titanesque !
« Ce qui est super intéressant, c’est que tout demande énormément de connaissances. Quand tu fais du modeling, tu dois pouvoir analyser la transformation des objets, avoir une très bonne connaissance de ce à quoi ressemble un objet et de comment il est construit. Il faut connaitre les fluides, comment tout se disperse dans la nature, est ce que le volume est dense ou non, comment il réagit avec les surfaces… En fait chaque étape est un métier. »
« La question de la dead-line est importante. De quel temps je dispose ? On peut travailler très longtemps si on a un budget et un temps infini ! Le temps, le budget et la demande, ce sont les 3 gros mécanismes qui orienteront les choix techniques. Dans notre métier, il faut tout le temps se demander comment aller plus vite, essayer de trouver des solutions qui feront gagner du temps. Pour avoir le meilleur résultat possible en un minimum de temps. »
Toy Story est sorti pour la première fois en 1995, il y a 23 ans…
On peut donc se demander quand est-ce qu’un film modifiera à nouveau les codes et suscitera des vocations pour les prochaines générations !